Les fourberies du poisson rouge (1er chapitre)

Coucou,

Je te laisse découvrir le premier chapitre de mon troisième bébé livresque. Si tu veux te jeter sur ce roman, n’oublies pas que tu peux le commander en broché ou relié directement sur ma boutique par ici. 

Prologue

Damien

Pikachu, Tanguy ou brunette ?

Si un mec ose encore me vanter ses qualités de parfaite ménagère, je jure de l’étrangler. Nous avons déjà vu au moins une dizaine de candidats tous plus soporifiques que les précédents. Le fou rire de mon colocataire me confirme que je ne suis pas le seul à me trouver en plein choc post-traumatique. Le dernier prétendant vient de nous infliger un quart d’heure de description de figurines de Son Goku. Je suis à bout. J’interpelle mon acolyte :

  • Super, l’idée de l’annonce pour louer la troisième chambre de l’appart, mec. Si je résume, on a rencontré deux Tanguy, trois fans de manga et deux dealers. Parfait !
  • Détends-toi, Damien ! Au moins, nous avons bien rigolé ! Il nous reste une nana à voir, me rétorque Charles.
  • Une fille ? Elle me plaît déjà ! Une nénette qui n’a pas peur de venir vivre avec deux gars doit être suffisamment cool pour nous supporter.

La sonnette de l’entrée interrompt cette sympathique conversation. Je ne laisse pas le temps à mon ami d’intervenir : la vision d’un mâle en survêtement et clope au bec risque de faire fuir la demoiselle. J’ouvre la porte et tombe nez à nez avec une petite brune avec de grands yeux bleus adorables. Son sourire me charme immédiatement même si je lis une pointe de tristesse dans son regard. En l’invitant à entrer, j’aperçois sur le palier deux énormes valises. Elle ne manque pas d’assurance. Elle a carrément traîné ses bagages avec elle. Tu vas d’abord devoir nous convaincre, ma jolie !

 

Nous réalisons un rapide tour du propriétaire. Ce n’est pas un château, mais je sais que la surface plus que correcte du lieu plaît. La chambre libre est meublée. Je vois qu’elle semble soulagée. Lorsque nous nous installons tous les deux sur le canapé, je remarque qu’elle ne paraît pas gênée le moins du monde de se retrouver face à deux individus inconnus. Charles arbore son regard de chacal en rut. Pour ma part, la question ne se pose pas. Nous allons pouvoir éviter le combat de coqs. Sans surprise, Charles démarre les hostilités :

  • Bon, nous allons peut-être commencer par nous présenter. Je me lance. Je m’appelle Charles et j’ai 32 ans. Je suis prof de sport au lycée Sainte-Marie à deux pas d’ici. Je suis célibataire et comme tu l’as déjà remarqué, je suis le plus beau gosse de la coloc.
  • Voilà, voilà ! Et surtout, le plus lourd ! Bref ! Je me prénomme Damien, je suis enseignant également, mais un vrai pour ma part, puisque j’inculque l’histoire et la géographie dans le même établissement que Charles. Nous nous sommes rencontrés durant notre première année de fac. En emménageant à Brest, après nos études, nous avons décidé de vivre ensemble pour ne pas déprimer seuls dans nos minuscules appartements. Fabien, qui occupait la troisième chambre jusque-là, vient de partir s’installer en Nouvelle-Zélande. Nous cherchons donc un nouveau colocataire, mais nous aimerions éviter de recommencer notre quête dans deux mois. Par conséquent, nous voulons quelqu’un de fiable qui compte se poser un bon moment.
  • N’hésite pas à faire fuir tout le monde avec ton discours de papa insupportable ! Et sinon, je te remercie infiniment pour le « vrai prof » ! Es-tu informé que je ne fume pas ma clope au bord du terrain en regardant les élèves courir ? rétorque Charles.

Nous nous tournons tous les deux vers la nouvelle arrivée. Cette dernière ne semble étonnamment toujours pas effrayée et répond immédiatement :

  • Merci pour la présentation. Je m’appelle Laure. Je ne suis pas originaire de la région. Je viens d’arriver. Je reviens d’un voyage de six mois autour du monde. À la fin de l’université, j’avais besoin de m’aérer…
  • Attends, tu finis seulement tes études ? Je ne voudrais pas passer pour un goujat, mais n’es-tu pas un peu vieille pour terminer juste maintenant ? la coupe Charles.
  • Tu as avalé tes cachets ce matin, mec ? Tu es sérieux, là ? Tu comptes asséner encore d’autres remarques bien désagréables ou tu as atteint ton quota pour la journée ? je m’agace.
  • Ne t’inquiète pas ! Je ne le prends pas mal. Il n’a pas tort. J’ai 30 ans. Oui, j’ai étudié longtemps. J’ai obtenu deux masters de lettres. Ce qui ne m’apporte pas grand-chose vu que je ne travaille pas pour le moment.
  • Eh bah ! Tu sais te vendre, toi ! Tu cherches un logement en colocation sans recevoir de salaire. Comment comptes-tu t’acquitter de ton loyer ? intervient Charles.

Il n’a pas tort pour une fois. Nous avons besoin de cette troisième part de loyer. Eh merde ! Je sens que nous allons devoir refaire la déco pour nous adapter au fan de Pikachu ! J’appuie mon ami :

  • Une fois n’est pas coutume, je rejoins Charles sur ce point. Une personne capable de payer nous est indispensable ! Tu comptes vendre un rein ?
  • Ce n’était pas dans mes prévisions. Je sors à l’instant du fast food situé rue Jean-Jaurès. Je commence demain. Je serai en mesure de verser le loyer. Je ne vais pas vous mentir, j’ai besoin de cet appart. Je ne trouverai pas de logement seule à un prix envisageable. Je souhaite me poser un peu. Je sais que je ne remplis pas toutes les conditions. En plus, je suis une fille. Mais je vous promets que vous ne le regretterez pas. Je compte me faire toute petite. Par ailleurs, avec vos horaires, a priori nous travaillerons en décalé. Je ne risque pas de déranger.
  • Je n’avais pas envisagé « le service de hamburger » comme débouché à proposer à mes élèves après un master. Ils vont devoir revoir leurs plaquettes de présentation à l’université, se moque Charles.
  • Bon, avant que mon cher ami ne te sorte encore d’autres remarques charmantes, je te raccompagne. Nous allons réfléchir. Je te rappelle avant la fin de la journée.

Nous passons dans l’entrée. Elle s’arrête devant le bocal de Bubulle 3 qui trône sur le vieux buffet. C’est bien la première fois que quelqu’un semble s’intéresser à cette bestiole. Elle se tourne vers moi et me dit le plus sérieusement du monde :

  • Sais-tu que le poisson rouge est une pute ?

Cette fille aurait-elle consommé des substances illicites avant de se pointer chez nous ? Que dois-je répondre à ça ? Je tente :

  • Heu, non. D’ailleurs, je ne savais pas qu’ils avaient des relations sexuelles tarifées.

Elle ne relève pas ma blague pourtant exceptionnelle. Je n’arrive pas à décider si cette nana est très bizarre, droguée ou simplement, la plus grande comique de l’histoire de l’humanité. Toujours absorbée par les va-et-vient de Bubulle, elle poursuit :

  • Dans mes jeunes années, j’avais gagné un poisson rouge lors d’une fête foraine. Je crois que mes parents avaient cédé, persuadés qu’il calancherait très vite. Puis j’étais toute petite, ils souhaitaient me faire plaisir. Nous n’habitions pas encore dans le Sud. Quatre ans plus tard, mon ami écaillé tournait toujours en rond dans son bocal pour mon plus grand bonheur et le désarroi de mes parents à chaque escapade de plus de deux jours. Nous ne partions quasiment jamais en vacances. Mais une année, nous avons dû nous absenter une semaine. Le problème, c’est que la bestiole a besoin de manger quotidiennement et peut difficilement être transportée. Ayant quand même bien pitié de ce mini truc qui tourne en rond toute la journée, mes géniteurs m’ont convaincue d’envisager de lui rendre sa liberté en le relâchant dans la rivière. Étant une nana consciencieuse, j’ai effectué des recherches approfondies pour vérifier si je ne risquais pas de tuer mon charmant compagnon malencontreusement. Et là, les bras m’en sont tombés. J’ai découvert quelque chose d’hallucinant : le poisson rouge est une pute. Avec son air de ne pas y toucher et ses blop blop permanents, je le pensais doux comme un agneau ! Que nenni ! Ce minuscule poisson peut bousiller tout un écosystème si on le relâche dans la nature ! Il gobe absolument tout ce qu’il repère ! Nous avons donc dû trouver une autre solution. D’ailleurs, j’ai aussi appris qu’il pouvait vivre vingt ans. Depuis, je ne vois plus ces petites bêtes de la même manière. Je ne peux que respecter leur persévérance. Vous l’avez depuis longtemps, ce mignon Bubulle ?

Lorsqu’elle termine sa tirade sur la poiscaille, je ne sais pas si je dois éclater de rire ou m’incliner devant autant d’abnégation pour cette bestiole insupportable. Cette nana est un mystère sur pattes ! Qui postule pour une colocation et déblatère sur le rôle du poisson rouge sur Terre ? Elle tourne ses grands yeux candides vers moi. Ah ! Parce qu’elle attend réellement un échange constructif autour du poisson ? Bon, OK, j’entre dans son jeu :

  • Alors, en fait, je te présente Bubulle, troisième du nom. Il y a trois ans, les élèves de Charles lui en ont offert un premier. Il passait son temps à les houspiller parce que selon lui, ils ne se montraient pas plus actifs que des poissons rouges. En fin d’année, ils se sont mis d’accord pour organiser une super bonne blague. Bref. Bubulle un n’a survécu que quelques semaines. Nous n’étions pas mécontents de nous en débarrasser. Mais c’était sans compter avec les transmissions d’informations entre les élèves. Depuis trois ans, chaque classe de Charles réitère la même blague. Celui-ci est donc le troisième. Il tient bien le coup, d’ailleurs, celui-là. Nous l’avons depuis déjà trois mois. Mais nous avons autre chose à faire que de nous triturer l’esprit pour lui chercher un nom.
  • Vous devriez. C’est un spécimen spécial. Son regard dégage quelque chose de profond.

Bon, là, c’est officiel, cette nana est givrée. Ou pas. Elle se tourne vers moi et je remarque qu’elle met toute son énergie pour retenir son fou rire. Je réagis :

  • Ah OK ! Je vois que tu te payes ma tête.
  • Excuse-moi, mais c’était trop tentant. Je te rassure, je ne suis pas la femme qui parlait à l’oreille des poissons rouges. Il a un air aussi débile que ses congénères.

Décidément, cette fille m’étonne. À chaque instant, elle semble passer par des émotions totalement opposées. Je la raccompagne jusqu’à l’entrée. Ses yeux qui frisent ont laissé place à ce regard profondément triste que j’ai aperçu lors de son arrivée. Elle m’intrigue.

Je ferme la porte derrière elle. Charles m’interpelle immédiatement :

  • Écoute, je renonce à choisir ! Franchement, entre les geeks, les fils à maman et la paumée, je ne crois pas qu’il y ait une bonne ou une mauvaise décision !
  • Mouais, je vois ! Comme d’habitude, tu me laisses prendre la responsabilité.
  • Ah ! Mais mec, c’est normal ! Tu es le seul à disposer d’un vrai métier ! Rappelle-toi ! Moi, je ne fais que courir après un ballon et m’amuser à torturer les élèves.

Il se marre en retournant vers sa chambre. Je le connais suffisamment pour savoir que mes remarques ne l’ont pas vexé le moins du monde.

Je repasse en revue les différents candidats que nous avons rencontrés. Le conseiller financier, vivant encore chez ses parents, dont je ne me souviens pas du prénom, constitue sans conteste le choix le plus logique. Son poste stable et son look de fils à maman nous assurent de recevoir un loyer régulier et de conserver un appart rangé.

Mais je ne peux m’empêcher de repenser à Laure. Même s’il ne pourra rien se passer entre nous, je reconnais qu’elle est sublime. Mais ce n’est pas cela qui m’a le plus frappé. Elle possédait un je-ne-sais-quoi dans le regard qui m’a touché. Je me suis retrouvé dans cette petite étincelle qui semble s’être bien cachée sous une bonne couche de souffrance. Son apparente décontraction contraste totalement avec ce que me disent ses yeux. Elle n’a rien dévoilé de son passé (si ce n’est qu’elle détient une grande connaissance en matière de poisson rouge), mais je sens qu’elle en a bavé au moins autant que moi. Le seul hic réside dans l’incapacité de mon coloc à contrôler ses pulsions. Jeter une fille dans son antre revient à approcher un morceau de viande d’un lion en lui interdisant de le dévorer. Je vais devoir lui en toucher deux mots si je décide de lui louer la chambre.

 

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Bisous Poutous

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