L’ironie du panda

Coucou,

Je te laisse découvrir le premier chapitre de mon huitième bébé livresque. Si tu veux te jeter sur ce roman, n’oublies pas que tu peux le commander en broché ou relié directement sur ma boutique par ici. 

PROLOGUE

Mélodie

Avril 2023 – « Je vais fêter ce renouveau, qui me donne tellement d’espoir… » – Anna de La Reine des neiges.[1]

Je ne comprends pas pourquoi les gens appellent cela le sourire du plombier, alors que bon nombre de professionnels savent présenter cette merveille avec beaucoup plus de grâce que nos amis spécialistes des tuyauteries. Depuis un bon quart d’heure, j’observe le charmant ballet de trois spécimens qui semblent avoir lancé un concours de raie des fesses apparente. Chaque fois que l’un d’entre eux s’accroupit, je suis confrontée à un dilemme : contempler pour évaluer la performance ou détourner le regard pour ménager mes pupilles qui commencent à souffrir atrocement de supporter la vision d’autant de chair velue.

Mais alors, la vraie question reste quand même de savoir quels peuvent être les critères pour remporter le grand prix. Est-ce que la quantité de poils qui s’échappe du pantalon entre en considération ? Je pense plutôt que pour espérer monter sur le podium du plus beau sillon interfessier, ces messieurs se doivent de calculer au centimètre près la position de la ceinture pour s’assurer de laisser entrevoir juste ce qu’il faut de sexy (ou dégoûtant selon le point de vue). Évidemment, le joli bourrelet qui passe par-dessus le jean de chaque côté du postérieur rapporte des points supplémentaires. Ou peut-être que la senteur particulièrement animale qui se dégage de ces messieurs à chacun de leurs mouvements permet d’être déclaré directement vainqueur ! Si c’est bien le cas, ils vont se retrouver au coude-à-coude. Malgré mon odorat aussi précis que celui d’un chien de chasse en quête de sa proie, je ne parviens pas à déceler lequel de ces bonshommes libère l’effluve le plus désagréable.

Malheureusement, une douce voix avenante me coupe dans ma contemplation aussi fascinante que flippante :

  • Bon, on a tout chargé dans le camtard. Elle est mignonne, la petite dame, elle va nous signer le papelard pour que l’on décolle dare-dare.

Donc le mec a décidé de se lancer un charmant défi et de causer en employant des rimes en Ar. Comme quoi, même les déménageurs peuvent se distinguer en utilisant un langage riche et soutenu. Donc le gars était tellement concentré à mater les postérieurs de ses collègues qu’il n’a pas remarqué que je mesure un bon mètre soixante-quinze. Accessoirement, « la petite dame » le dépasse d’une tête, le bourrin !

Et puis, cinquante ans de lutte féministe pour que l’on en arrive à ce genre de phrase. J’en connais plusieurs qui doivent se retourner dans leur tombe et qui rêveraient de revenir pour lui faire bouffer son papier, au gros con du jour. Allez, les Simone, Gisèle[2] et toutes les autres, on respire un grand coup et on oublie que le mec nous parle comme si nous étions des êtres inférieurs et on se souvient qu’il nous a offert son cul il n’y a pas cinq minutes.

  • Si le petit monsieur dispose d’un crayon, je me ferai un plaisir de répondre positivement à sa requête.

Vu qu’apparemment, nous devons nous adresser à nos congénères en utilisant la troisième personne du singulier, je m’adapte. Le regard bovin qu’il me lance me confirme que malgré des talents de poète indéniables, le bonhomme ne possède pas un sac à mots très fourni. L’absence totale de réaction me prouve qu’il a dû beuguer sur le terme « requête ». J’ai bien autre chose à faire, présentement, que de tenter de développer son vocabulaire. Je fouille donc rapidement dans mon sac et attrape un stylo pour signer ledit « papelard ».

 

Une demi-heure plus tard, je monte enfin dans ma voiture. Lorsque j’enclenche la clef dans le barillet, je ne parviens plus à retenir mes larmes. Je m’écroule. Les bras autour de la tête, je pose mon front sur le volant, encore bien frais. Je ne peux plus contenir la moindre émotion. J’ai mis toute mon énergie à faire bonne figure face à eux ces dernières semaines. Je suis enfin seule. Je peux laisser sortir toute cette tristesse qui n’attendait que le feu vert pour jaillir. Une fois mes copains déménageurs partis, j’ai effectué un ultime tour de l’appartement. J’ai revécu tous nos souvenirs dans chacune des pièces. J’ai eu la sensation de revoir le film des doux moments comme de ceux bien plus violents passés dans notre petit cocon.

Je sais que ce départ est nécessaire, voire vital. Pourtant, j’ai besoin de laisser les larmes couler avant de prendre la route. Peut-être qu’avec elles, la mélancolie, la nostalgie et le chagrin auront la bonne idée de rester à Brest. Je croyais mon corps totalement desséché à force d’avoir trop pleuré, mais je m’aperçois qu’en matière d’humidité je dispose encore de pas mal de ressources.

Ce n’est que lorsque le flux semble diminuer légèrement que je me décide à regarder l’heure. Voilà ! Voilà ! J’ai perdu plus de trente minutes. C’est vrai que mon planning n’est pas du tout chargé ! Je suis large ! Bien joué. « Eh ! Peuchère ! Écoute la gentille psy et apprends à t’aimer un peu plus et surtout à t’autoriser à ressentir des émotions, qu’elles soient positives ou négatives ! » Pourquoi ma voix intérieure utilise-t-elle systématiquement des expressions marseillaises alors que je suis une Brestoise pure souche reste un mystère. Toujours est-il qu’elle n’a pas tout à fait tort ! J’ai le droit d’éprouver un peu de désappointement en quittant mon cher Finistère où j’ai vécu presque quarante ans. D’ailleurs, « déchirement » représenterait un mot plus juste pour décrire mon ressenti actuel. Quand je passe le pont de l’Iroise, je sens une partie de mon âme se détacher et repartir en arrière. Je m’en doutais, mais la douleur est encore plus marquée que je ne l’avais imaginé. Un morceau de moi restera à Brest quoi qu’il arrive.

 

Ce n’est que lorsque je croise les premiers toits orange que je retrouve une respiration plus calme et que mes larmes se tarissent enfin. Au revoir, ma très chère Bretagne. Je ne suis pas près de t’oublier. Mais tu m’as apporté autant que tu m’as pris. Nous devons faire une pause toutes les deux. Peut-être qu’un jour nous pourrons nous réconcilier. Je l’espère.

Le sourire finalement vissé sur mes lèvres, j’ouvre la fenêtre et profite de l’air chaud qui fouette immédiatement mon visage. Le soleil est toujours bien haut et ses rayons réchauffent chaque pore de ma peau aussi blanche que le cul d’un bébé avant ses premières poussées dentaires.

Quand je traverse l’immense pont, la sensation de protection que j’avais ressentie lors de ma première visite se réinstalle instantanément au creux de mon ventre. Qu’aurais-je pu envisager de mieux qu’une île pour abriter mon nid ? Sur les derniers kilomètres qui mènent jusqu’à mon immeuble, je photographie mentalement chaque parcelle de ce trajet si libérateur. J’ai choisi cette nouvelle vie et je compte bien en profiter à fond. Les marais salants s’étendent de toute part et confèrent à ce paysage une connotation lunaire divine. J’ai l’impression de pénétrer petit à petit dans un pays étranger bien loin de ma vie d’avant.

Même si le GPS me guide vers un autre trajet plus rapide, je décide de ne pas lui obéir. Je veux m’imprégner encore un peu de l’ambiance du lieu avant de rejoindre mes copains au fessier apparent. Je ne peux m’empêcher de sourire lorsque je vois le panneau indiquant le nom de la ville. Les gars ne se sont quand même pas foulés en choisissant l’appellation de la commune la plus grande de l’île : « Oh ! Bah, écoute, dénommons la bourgade : Noirmoutier-en-l’Île. Grâce à notre éclair de génie, les gens ne se tromperont pas et sauront qu’elle se situe sur l’île de Noirmoutier. » Oui, il n’y a pas à dire, c’est pertinent !

Je remonte les quais le long de l’étier du moulin et je tente de m’abreuver de l’insouciance de toutes les personnes profitant du soleil en sirotant leur verre aux terrasses de plusieurs bars. Je vais me sentir bien ici !

 

Lorsque je me gare devant le petit bâtiment tout blanc si charmant dont je suis tombée amoureuse quand j’ai acheté cet appartement, je suis soulagée de constater que les déménageurs s’affairent déjà. Je contourne mes meubles entassés sur le parvis et je pénètre dans le hall. Je croise mon copain, le minuscule monsieur fan de rimes qui fait mine de ne pas me repérer. Ah ! Je sens que nous avons créé une vraie et profonde relation tous les deux !

Après des fouilles archéologiques dans mon énorme sac à main, je récupère finalement le sublime porte-clefs en forme de queue de crevette fourni lors de la vente. Je ne sais pas qui gère le marketing dans cette agence, mais il va devoir bosser un peu plus l’image de marque. J’ai l’impression de me balader avec les restes d’un plateau de fruits de mer.

 

Je me dirige vers les boîtes aux lettres dans l’espoir d’avoir enfin reçu les derniers papiers nécessaires à mon installation définitive sur Noirmoutier. Si je dois encore contacter le fournisseur internet, je crains de sortir un florilège de jurons absolument indignes de la femme distinguée que je m’efforce d’être.

 

Le nez plongé dans la pile de courrier et prospectus en tous genres, j’effectue quelques pas en direction de l’escalier et je me heurte violemment dans un individu non identifié. Sous le choc, toutes mes feuilles s’envolent, je glisse en arrière et me retrouve le séant sur le sol en un instant.

Sonnée, je regarde à droite puis à gauche. Où suis-je ? Que fais-je ? Une odeur de café mêlée à celle du tabac froid me taquine les narines. Mais je n’identifie pas une autre senteur qui imprègne pourtant déjà mon chemisier. J’ai besoin de quelques secondes pour reprendre mes esprits. Instinctivement, je secoue la tête pour tenter de remettre en place mon cerveau embrumé. Au-dessus de moi, une voix grave attire mon attention.

  • Ma chère, je serais ravi de me rapprocher de vous, mais si vous pouviez envisager un procédé plus doux la prochaine fois, je vous en serais fortement reconnaissant.

Je lève les yeux vers le propriétaire de la réplique la plus claquée au sol de l’année. Il tend sa main vers moi pour m’aider à me relever. Je plonge mon regard dans celui très sombre de cet inconnu qui affiche un rictus insupportable.

  • Je vous remercie, monsieur, mais je ne pense pas que nous nous recroiserons un jour. Au revoir.

J’appuie volontairement sur le « monsieur » afin de signaler mon intention de mettre suffisamment de distance entre lui et moi. Tout en récupérant mes différents documents étalés sur le sol, je tourne discrètement mon attention vers le sympathique connard qui reste planté droit comme un i sans bouger un orteil pour me venir en aide. Ses cheveux sont aussi sombres que ses prunelles. Avec sa chemise entrouverte, son blouson en cuir et sa barbe de trois jours, il cultive clairement un look de mauvais garçon, alors que cela saute aux yeux qu’il n’a jamais dû enfreindre la moindre loi. Quant aux deux petites fossettes qui se dessinent autour de son sourire narquois, elles sont aussi charmantes qu’insupportables.

Mes courriers enfin récupérés, je me contente de lui lancer mon regard le plus assassin avant de lui tourner le dos et de me diriger vers l’escalier. Persuadée d’avoir réussi à le moucher, je manque de m’affaler à nouveau lorsque je l’entends prononcer ces quelques mots derrière moi :

  • Au plaisir de vous recroiser, chère voisine !

Et merde ! Ce type habite donc dans mon immeuble ! Je ne lui offrirai pas la satisfaction d’une quelconque réaction. Je poursuis mon ascension sans broncher et je sens son regard me suivre. Note pour moi-même : je dois travailler un peu mieux ma répartie pour éviter de passer encore une fois pour une petite chose fragile. Tu ne m’auras pas deux fois, le faux « bad boy » vendéen. Watcha gonna do[3] bouffer ton sourire mielleux. Non, mais !

[1] Oui, j’ai osé citer les paroles d’une chanson de dessin animé. Mais qui est mieux placé qu’une princesse Disney pour démarrer une romance ? Et puis, mettons-nous d’accord immédiatement : la vraie héroïne de La Reine des neiges n’est aucunement la fameuse reine ! Je me devais donc de rendre hommage à notre chère Anna. Ne me remerciez pas pour la super mélodie qui restera dans votre tête toute la journée. C’est cadeau.

[2] Je parle bien évidemment de Simone de Beauvoir, Simone Veil et Gisèle Halimi. Je ne vous ferai pas l’affront de vous expliquer qui étaient ces grandes dames.

[3] Ahhhh ! Ça, c’est de la référence qui déchire. Allez, je vous aide : « Watcha gonna do? Watcha gonna do when they come for you? ». Non, toujours pas ? Bon et maintenant, tu imagines ces quelques mots accompagnés d’un son de reggae et en regardant un dieu vivant black, musclé et bien trop charmant marcher devant un sublime coucher de soleil. Alors, ça y est ? Ces paroles sont bien sûr extraites de la musique de l’excellent film Bad Boys qui doit se regarder, ne serait-ce que pour savourer chaque parcelle des muscles de notre cher Will Smith.

 

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